BECHOL LASHON Français – Jona, le médecin des pauvres

anna foaCommémorations. Le 16 septembre 1943, exactement un mois avant la rafle du ghetto de Rome, le Président de la Communauté juive de Venise, Giuseppe Jona, se tua. La rumeur dit qu’il s’était tué pour ne pas consigner aux Nazis la liste des membres de la communauté juive qu’on lui avait demandée. Il la détruisit d’abord et ensuite il se tua. Cette théorie reste la plus populaire, mais il n’existe aucune preuve qui la confirmerait, même si les Nazis pourraient avoir appelé Jona pour collaborer avec eux, comme ils le faisaient dans les ghettos polonais. En tout cas, cela était l’explication la plus répandue à Venise, quelques jours après l’occupation nazie, ce qui témoigne l’état d’alerte et de souci de la communauté juive italienne, qui craignait que les Nazis s’emparent des listes communautaires. Les gens étaient conscients qu’ils avaient déjà entre les mains celles du recensement des années 1938-39, actualisées en 1942.

Giuseppe Jona était aimé et estimé. Né en 1866, donc déjà âgé en 1943, médecin, il était un chef d’hôpital innovateur et un éminent scientifique. On l’appelait “médecin des pauvres”, puisqu’il avait créé un dispensaire gratuit pour les pauvres à l’Hôpital de Venise. Laïc, libre penseur, il était tenu en si grande estime que le Rabbi Ottolenghi l’avait nommé Président de la communauté juive de Venise, qu’il guida dans un climat de plus en plus sombre tout en gardant son engagement inégalable. Son suicide n’était pas un signe de capitulation, mais de résistance. On ne lui accorda pas de funérailles publiques. Néanmoins, ses collègues se rassemblèrent dans la cour de l’hôpital en silence et les gondoliers qu’il avait soignés gratuitement paradèrent sur les canaux, eux aussi en silence. Voici l’homme qui se tua quelques jours après l’occupation, quand beaucoup de membres de la communauté juive gardaient l’espoir que rien ne se passerait en Italie.

*Anna Foa, historienne. Traduit par Sara Facelli et révisé par Mattia Stefani, étudiants de l’École Supérieure pour Traducteurs et Interprètes de l’Université de Trieste et stagiaires au journal de l’Union des communautés juives italiennes.