BECHOL LASHON Français – Tour d’Italie. Les cinq légendes italiennes du Giro
Cinq légendes italiennes brillent au firmament du Giro, avant le départ de la 100e édition, vendredi, en Sardaigne.
Alfredo Binda (vainqueur en 1925, 1927, 1928, 1929 et 1933, décédé en 1986).
Le plus méconnu des “campionissimi”, hors de son pays, domina tant son époque qu’il fut payé par les organisateurs du Giro en 1930… pour ne pas courir. Il empocha du coup la prime allouée au vainqueur. Pour preuve de son éclatante supériorité, il gagna douze des quinze étapes de l’édition 1927, quelques semaines avant de devenir le premier champion du monde de l’histoire. Son record d’étapes (41 succès) n’a été surpassé que par le sprinteur Mario Cipollini (42).
Elégant, stylé, ce surdoué qui avait fait ses premiers tours de roue sur la Côte d’Azur, de l’autre côté de la frontière, devint ensuite un directeur technique avisé, qui parvint même à faire cohabiter Bartali et Coppi dans l’équipe nationale.
Gino Bartali (vainqueur en 1936, 1937 et 1946, décédé en 2000)
Ses surnoms en disent long sur son caractère volontaire (l’homme de fer), sa ferveur religieuse (Gino le pieux) et sa longévité sportive (“il vecchio”, le vieux). A sa deuxième participation, le Toscan gagne le Giro, dont il remportera à sept reprises -un record !- le GP de la Montagne. Plus tard, c’est son duel avec Coppi qui tiendra l’Italie en haleine.
“La guerre m’a volé mes plus belles années”, disait-il d’une inimitable voix rauque, grillée par les cigarettes. Bartali, sans s’en flatter lorsque la paix revint, employa ces années en servant de “facteur” à un réseau d’entraide aux réfugiés juifs pourchassés par les Allemands après le renversement des alliances en septembre 1943. Il a reçu à titre posthume, en 2013, le titre de “Juste parmi les nations”, la plus haute distinction décernée par Israël à ceux qui ont sauvé au péril de leur vie des Juifs pendant la Shoah.
Fausto Coppi (vainqueur en 1940, 1947, 1949, 1952 et 1953, décédé en 1960)
Fausto le tant-aimé incarne le mythe du “campionissimo”. “Arriva Coppi”, c’était le signal qui précédait le champion, le cri qui se répercutait au long des routes. Le grand échassier au buste court et aux jambes démesurément longues a passionné (et divisé) l’Italie de l’après-guerre.
Prodige, il avait gagné à l’âge de 20 ans le Giro, avant la longue interruption de la Seconde guerre mondiale. Il s’imposa encore en 1953, quelques mois avant qu’il révèle au monde l’existence de sa maîtresse, Giulia Occhini, la mystérieuse “Dame blanche”. Dans l’Italie catholique de l’après-guerre, le scandale fut gigantesque. Fausto, coupable d’abandon du domicile conjugal, fut privé de passeport et… condamné à deux mois de prison avec sursis.
Felice Gimondi (vainqueur en 1967, 1969 et 1976, 74 ans)
“Je n’ai pas eu de don éclatant. Mais avec le travail, en faisant mon métier correctement, avec volonté et application, j’ai réussi”, estime le Bergamasque, qui a gagné son troisième Giro neuf ans après son premier succès. Entre-temps, Eddy Merckx s’était imposé à cinq reprises. Opiniâtre et intelligent, Gimondi excellait dans la dimension stratégique du
cyclisme et ses jeux d’alliance, voire ses combinaisons. En 1967, il renverse à la veille de l’arrivée une situation quasi-désespérée pour détrôner Jacques Anquetil. En 1969, il bénéficie de l’exclusion de Merckx à une semaine de la conclusion. En 1976, il s’impose par la marge de 19 secondes, l’un des écarts les plus étroits de l’histoire très près des 11 secondes séparant en 1948 Fiorenzo Magni d’Ezio Cecchi.
Marco Pantani (vainqueur en 1998, décédé en 2004)
Le “Pirate” de Cesenatico n’a ramené qu’une seule fois le maillot rose à l’arrivée. Mais il a noué avec la course rose une histoire mouvementée et émouvante, bouleversante même pour ses supporters. Aujourd’hui encore des pancartes à sa gloire fleurissent sur le bord des routes dans diverses régions de la péninsule. En 1994, il se révèle, à 24 ans, par deux succès d’étape et sa deuxième place finale. En 1998, il gagne un incroyable bras de fer avec le Russe Pavel Tonkov.
L’année suivante, il flambe jusqu’à la veille de l’arrivée. Mais son exclusion à Madonna di Campiglio pour paramètre sanguin non conforme précipite sa chute. C’est le début d’une descente aux enfers qui s’achève le jour de la Saint-Valentin 2004, par une overdose mortelle.
*