La motion de Segre votée à l’unanimité: “Une nouvelle Commission pour contraster la haine”

Le Sénat italien a approuvé à l’unanimité une motion qui prévoit, encore pour cette législature, l’institution d’une Commission extraordinaire “pour contraster les phénomènes d’intolérance, de racisme, d’antisémitisme et d’instigation à la haine et à la violence” présentée par la sénatrice à vie Liliana Segre. Un long applaudissement l’a accueillie à Palazzo Madama, où 157 sénateurs sur 157 ont approuvé la proposition. “Notre guide devra toujours être la Constitution républicaine, qui, ce janvier 2023, célèbre le 75ème anniversaire de son entrée en vigueur” a résumé la Témoin de la Shoah milanaise en faisant référence à la séance du 19 janvier en tant qu’occasion “importante” pour renforcer l’engagement des institutions vers des thèmes fondamentaux comme la “liberté d’expression” et la “tutelle de la dignité de la personne”. Deux exigences, a souligné Segre, “complémentaires et non alternatives”. L’affirmation de la sénatrice en début de séance : “Notre travail dans la dernière législature a été précieux : la diffusion des réseaux sociaux comporte le risque de favoriser le discours de haine et les campagnes visant à encourager la discrimination et la propagation toxique des fake news”.
Et puis elle a ajouté : “Le travail de fouille et de connaissance sur les discours de haine devra se dérouler dans le respect de la Constitution. Mais on devra également s’engager à la mettre en œuvre, étendant l’inclusion et les droits sociaux et civils, étant conscients, en tant que parlementaires, qu’il existe aussi un lien entre le malaise social et l’emploi de discours de haine qui a un impact sur le travail d’une commission telle que celle que nous sommes sur le point d’approuver”.
De plus, dans son intervention Segre a remarqué : “Pendant les derniers mois, le travail de la Commission s’est déroulé de manière fructueuse et participative, avec des dizaines d’auditions et approfondissements. Finalement, tout s’est conclu avec l’approbation à l’unanimité d’un document qui résume le sens général du travail et donne des indications utiles pour façonner le travail qui reste à faire, car il y a encore beaucoup à faire”. A la fois, a-t-elle spécifié, “à niveau d’approfondissement des thèmes” et pour favoriser “une nouvelle législation qui s’aligne avec les importantes nouvelles de la législation européenne que nous avons toujours suivie et soutenue de près”.
Il est très significatif, a conclu Segre, “que notre vote a lieu à l’approche du 27 janvier, Journée de la Mémoire : bien plus, en effet, que nombreuses célébrations qui risquent de perdre une signification réelle, reconstruire une commission qui inscrit dans son statut les valeurs de défense de la dignité des personnes et de promotion du respect des minorités est un signal positif important”.
Tous les partis et groupes politiques, dans leurs déclarations de vote, se sont prononcés en faveur de la motion de Segre. Ainsi que la ministre de l’Egalité des Chances, Eugenia Maria Roccella, qui, au nom du gouvernement, a déclaré, entre autres choses : “L’antisémitisme, le racisme, la violence et toutes formes de discrimination ne sont pas des opinions mais des faits, donc ils doivent faire l’objet d’une attention particulière. Notamment l’antisémitisme, car il est un phénomène sans fin, qui a des formes anciennes profondément enracinées. Mais qui se manifeste sous des formes à la fois anciennes et nouvelles, qui ont également à voir avec la géopolitique et avec le droit à l’existence d’un Etat souverain comme l’Etat d’Israël, qui a une longue et solide amitié avec notre nation”.
La sénatrice Ester Mieli, membre du parti Fratelli d’Italia, petite-fille du Témoin de la Shoah Alberto Mieli, a donné le dernier discours dans ce sens. Le début de son discours : “Au jour d’hui, cette assemblée a choisi de poursuivre un engagement important, afin que les mots de notre Charte constitutionnelle ne soient pas des mots vides pour une société qui croit fermement aux valeurs de la République Italienne”. “Fratelli d’Italia, sous la direction tenace et cohérente de notre Premier ministre Giorgia Meloni, a décidé, une fois encore, de prendre un choix du côté du bien, de faire la bonne chose au bon moment, comme il est écrit dans notre Constitution et avec un mandat de nos concitoyens. Je me souviens de ceux qui ont donné leur vie pour défendre de la douleur et les injustices, comme l’a fait le Ministre de la Défense, l’honorable Guido Crosetto, en s’inclinant devant l’Autel de la Patrie”.
Tous les survivants de l’Holocauste, a-t-elle ajouté, “ont la haine tatouée sur leur bras. Et davantage vous, sénatrice Segre, qui pour votre extraordinaire engagement civique, vous êtes victime d’innombrables insultes et dénigrements et êtes contrainte de vivre, à votre âge, sous escorte”. Personnes ignobles, a continué Mieli, “des véritables pilleurs de l’internet, des gens qui n’ont aucun respect pour personne et qui s’en prennent indistinctement aux femmes, aux journalistes, aux agents de la force publique et aux hommes politiques, y compris notre Premier ministre et sa fille”.
Hier le Sénat italien a également approuvé un projet de lois qui prévoit un fonds pour permettre aux écoles secondaires d’organiser des visites aux camps d’extermination. A ce propos, Segre a commenté que les Viaggi della Memoria (voyages en mémoire de la Shoah vers les camps d’exterminations), “ne sont pas des simples sorties scolaires” et que “on se rend à Auschwitz en silence, avec une tenue approprié”, comme “dans un sanctuaire”, de “manière civilisée” et “en ayant, éventuellement, sauté le petit-déjeuner le matin”. La Témoin a encore expliqué avoir toujours décliné toute invitation à visiter le camp où elle fut déportée, petite, avec son père Alberto. “Une fois, en 1995, je fus invitée. De nombreuses autres personnalités acceptèrent, mais je n’avais pas envie. Puis, quand je lus et entendus à la radio la description des fourrures de la reine hollandaise et de Berlusconi, à ce moment-là je pensais : combien je suis heureuse de ne pas avoir accepté cette invitation”.

Traduction de Margherita Francese, révisée par Sofia Busatto, étudiantes à l’École Supérieure de Langues Modernes pour les Interprètes et les Traducteurs de l’Université de Trieste, stagiaires dans le bureau du journal de l’Union des communautés juives italiennes – Pagine Ebraiche.