BECHOL LASHON Français – Les bonnes couleurs

matalon1By Francesca Matalon

Au-delà des hashtag intrigants et des commentaires acides des vrais connaisseurs ainsi que des filles qui font semblant (car ce ne peutpas être autrement) de ne rien comprendre d’un jeu dans lequel tout ce qu’on fait c’est taper dans un ballon, la coupe du monde de football est un moment de pure crise identitaire. Évidemment pour certains il n’y a aucun doute, l’Italie un peu pleurnicheuse et tatoué – mais dans les dernières années avec l’addition d’une petite touche hipster dans les smokings de Dolce et Gabbana – est la seule option. Et il faut dire que chanter l’hymne dans un pays barbare apporte plus au moins le même plaisir que se faire cadeau d’un morceau de chocolat quand on est au régime. Mais ce n’est pas pareil pour tout le monde. Et en tout cas il faut bien choisir dans les matchs où sa propre équipe ne joue pas. Quelqu’un veut redécouvrir ses racines et décide de supporter l’Australie parce que le mari de cette cousine de quinzième degré est vraiment sympathique. Mais ça aussi n’est pas évident pour la plupart des juives, qui normalement n’ont pas moins de quatre ou cinq passeports. Quelques expatriés supportent l’équipe de leurs nouveaux pays, et encore pire quelqu’un décide arbitrairement d’adopter la nationalité de son copain ou sa copine. C’est clair que cette solution va forcément laisser quelqu’un d’autre mécontent. Quelqu’un, découragé par les pauvres chances de gagner de son équipe, va l’abandonner a priori pour supporter directement le plus fort. Pas trop élégant en fait. Certains décident de ne pas supporter une équipe pour antipathie gratuite (à lire avec le juste ton de victime). “Mais savais-tu que la maman de Balotelli a des origines juives?”: vaut mieux laisser tomber, c’est inutile. Par contre quelqu’un d’autre aime bien une équipe seulement pour la couleur de l’uniforme: et en effet on ne peut pas ne pas aimer les t-shirts orange des Néerlandais. Le seul problème est que c’est une nuance assez difficile. Et la solution à la crise d’identité est justement là: porter n’importe quelle couleur, mais toujours bien la combiner avec les chaussures.