BECHOL LASHON Français – Torah et République
Se distinguer, mais ne pas se séparer. Le rapport des Juifs avec la société à été le sujet central du rencontre du Grand Rabin de France Haïm Korsia avec les participants du Moked, le congrès organisé chaque printemps par l’Union des Communautés Juives Italiennes (UCEI). “Se distinguer, mais ne pas se séparer signifie être des porteurs de lumière – a-t-il spécifié – et il faut toujours se souvenir qu’on peut bien allumer une bougie dans une pièce et l’illuminer, mais s’il s’agit d’une pièce isolée de celle où se trouvent tous les autres, ceux-ci vont rester dans l’obscurité”.
Le Grand Rabin a montré une conscience et une fierté de son identité nationale presque inconnue parmi les Juifs italiens. À la question du rav Korsia, qui a demandé comment ça se fait qu’en Italie on ne lise pas une prière pour la République comme en France, le président de l’Assemblée Rabbinique Italienne (ARI) Giuseppe Momigliano a répondu que “les Juifs italiens combattirent bravement pour l’Unité d’Italie et dans la Première Guerre Mondiale, certains d’entre eux ont même soutenu le fascisme, et lorsqu’en 1938 les lois raciales ont été adoptées, ils se sentirent trahis”. C’est pourquoi après la Shoah l’habitude de lire une prière pour la patrie fut abandonnée. “Mais est-ce que ce n’est pas lorsque quelqu’un est malade qu’il faut prier le plus?”, a donc insisté le Gran Rabin.
Beaucoup de questions traversaient l’esprit de ceux qui ont assisté de l’extérieur, mais en même temps de près, aux attaques terroristes contre la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo et le supermarché Hypercacher, sur les sentiments du monde juif français et les responsabilités de ses dirigeants, sur la nouvelle vague d’émigration vers Israël, et sur la situation de ceux qui restent en France. La lutte contre l’antisémitisme, la liberté de la presse, la vie juive en Europe – Haïm Korsia n’a laissé de coté aucun de ces questions critiques à la fois pour les Juifs et pour les Français et les citoyens européens en général. “La liberté d’expression, de la presse, et aussi de la satire constituent un droit indispensable dans notre société, et c’est pourquoi il est interdit de les mettre en doute en disant ‘mais'”, a-t-il dit. “On ne peut jamais poser des limites à la liberté des autres, même quand elle nous dérange, parce que comme ça on limiterait notre même liberté”.
Le Grand Rabin de France a aussi souligné la nécessité de ne pas laisser que le monde juif soit raconté par les journaux seulement en partie: “Nous ne devons pas cacher notre diversité, les différentes opinions, les nombreux groupes dont nous sommes formés et même pas nos conflits internes, parce que c’est ce qui nous rend forts. ” Et cette complexité, a-t-il ajouté, assure la survie du judaïsme, “qui se compose de beaucoup d’âmes différents et pourtant il parvient à rester toujours uni, jamais uniforme “.
Le rav Korsia a donc exprimé la nécessité pour le monde juif de se distinguer “en remplissant les interstices de la société” avec sa culture et ses valeurs, mais de ne pas tomber dans le risque de vivre séparé d’elle. Et à propos du phénomène croissant de l’antisémitisme qui sévit en France, mais aussi dans toute l’Europe au cours des derniers mois, il a dit que “l’important ce n’est pas de chercher l’illusion de vivre dans un endroit où il n’y ait pas un danger, mais dans un lieu où la société combat ensemble contre ce danger “. “Les ponts – a-t-il conclu – sont toujours plus forts que les murs”.