BECHOL LASHON Français – Joël Mergui: «Nous vivons un tournant historique préoccupant»
LE FIGARO. – Quel est votre bilan et quels sont vos objectifs?
Joël MERGUI. – Le Consistoire et ses communautés assument un rôle opérationnel et religieux au service de chaque juif, pratiquant ou non. Dimanche, le président sera élu par les dirigeants, eux-menses élus, des communautés juive de France et d’outre-mer. Il porte leurs aspirations. Leurs projets et leurs attentes et agit, en leur nom, notamment auprès des pouvoirs publics et des acteurs de la société civile. Ces dernières années, j’ai défendu sur tous les fronts les intérêts généraux du judaïsme français (sécurité, lutte contre l’antisémitisme, sauvegarde de la circoncision, de l’abattage rituel, liberté de conscience des étudiants, dignité pour nos morts…). Nous avons consolidé l’organisation du Consistoire, son unité, ses finances pour accroître notre efficacité. Notre institution doit prolonger ses actions pour défendre notre sécurité et préserver notre liberté religieuse face à une laïcité qui se durcit. A l’heure où de nombreux juifs quittent la France, notre défi sera de «faire mieux avec moins» et de donner l’envie de judaïsme à ceux qui en sont encore éloignés.
Une femme se présente pour la première fois à ce poste…
Les femmes sont essentielles à la transmission du judaïsme et prennent une part importante dans le fonctionnement de nos communautés. De toutes les grandes institutions juives, c’est au sein du Consistoire, que, pour la première fois, une femme se présente à la présidence. Ni atout ni tabou, comme partout ailleurs, des lors que les candidatures sont validées. L’individu prime moins que son expérience, son sens des responsabilités et son projet. Les électrices et les électeurs voteront pour la personne qui portera le mieux les attentes de la communauté Juive dans la perspective des enjeux majeurs qu’elle va devoir affronter.
Comment voyez-vous l’avenir du judaïsme français?
Lorsque des policiers et des Juifs sont ciblés et assassinés, il est difficile d’être serein. Pendant des années, j’ai alerté sur le djihadisme qui, lorsqu’il s’attaque aux Juifs ou à Israël, vise les fondements de toute démocratie. Après Toulouse, j’ai dénoncé les soi-disant loups solitaires, le danger de victimaires les bourreaux et de ne pas nommer le mal par son nom par peur de l’amalgame. Que des manifestants (et certains élus) défilent dans les rues en hurlant morts aux Juifs e est révélateur du malaise d’une partie de notre société dont l’indignation est sélective, contre Israël mais pas contre l’Unesco qui nie le passé Juif de Jérusalem. Je suis reconnaissant envers les pouvoirs publics d’avoir mobilisé une énergie considérable pour sécuriser nos lieux de vie. Ma responsabilité sera d’accompagner le tournant historique préoccupant que vit actuellement la communauté juive et de mobiliser toute notre créativité, pour donner un souffle nouveau au judaïsme à la française.
Le Figaro, 18/6/2016