Ludwig Pollak et les Juifs de Rome

Par David Meghnagi*

Devant les terribles et angoissantes nouvelles venantes de l’Allemagne, après la montée au pouvoir de Hitler, Ludwig Pollak, avec un acte extrême de résilience notait dans ses mémoires: Une nation qui remonte à 5693 ans survivra même à Hitler ». Huit mois après, en commentant une bibliographie de Alfred Mond de Hector Bolitho, il ajouta : « Le retour de Melchett au sionisme est émouvant. Un livre qui renforce et illumines en ces temps tristes ». Comme si c’était « un objet transitionnel » à protéger, la précieuse Haggadah espagnole du 14ème siècle qu’il avait achetée fut confiée aux soins du rabbin Prato, avec qui dans ces années difficiles il avait tissé un lien intense. Dans les intentions de Pollak la précieuse pièce devait rester à l’intérieur d’une communauté juive. Donc il en fit don au Rabbin Prato.
Pollak, il partageait, comme Freud, une illusion répandue dans les greffes européens: l’Italie fasciste, pour des raisons géopolitique et culturelles, se serait trouvée alliée aux puissances occidentales pour mettre un frein à l’expansionnisme nazi et aux dérives de l’antisémitisme. L’histoire prit un autre cours et en quelques années le régime fasciste fit en quelques mois ce que prit des années au nazisme. Les dix ans de paix, imaginés et rêvés par Pollak pour la réaction de Mussolini aux visées allemandes sur l’Autriche et pour les assurances données au rabbin Sacerdoti sur le refus du racisme allemand, ce furent en réalité le début d’une catastrophe qui dépassa toute imagination.
Après l’Anschluss, Freud laissa Vienne et, grâce à une mobilisation internationale, il trouva refuge à Londres avec sa famille. Vieux et mortellement malade, il consacra ses dernières énergies aux Trois essais sur l’homme Moise et la religion monothéiste. Cinque ans plus tard, au plus fort de la tragédie, Pollak, selon certains témoignes, peu avant la rafle du 16 octobre, refusa de monter dans une voiture spécialement envoyée pour le mettre en sécurité au Vatican. Agé et malade, il suivit avec sa famille les juifs romains déportés à Auschwitz.

*Psychanalyste

Traduction de Oyebuchi Lucia Leonard, étudiante de l’Université de Trieste, et révisé par Gianluca Pace, étudiant de l’École Supérieure pour Traducteurs et Interprètes de l’Université de Trieste, stagiaires au journal de l’Union des Communautés Hébraïques Italiennes.