Félicitations à tout prix

By Anna Segre

Si aujourd’hui est l’anniversaire d’A et non l’anniversaire de B, on suppose que B souhaite bon anniversaire à A, et non l’inverse. Il serait absurde pour A de prétendre à tout prix souhaiter bon anniversaire à B et de se sentir offensé si quelqu’un lui fait remarquer que ce n’était pas l’anniversaire de B. Pourquoi ça ne marche pas comme ça aussi pour ce qui concerne les fêtes religieuses ? Les anniversaires sont répartis plus ou moins uniformément dans tous les jours de l’année, tandis que les fêtes religieuses sont partagées avec beaucoup de personnes, parfois avec la majorité écrasante.
C’est déconcertant la haine avec laquelle a été commenté un document interne de recommandations de la Commission européenne (Guidelines on Inclusive Communication), où, parmi d’autres choses, on demandait de ne présumer pas que tout le monde est chrétien, ou que tous les chrétiens célèbrent Noël dans la même date: sont sorti des titres comme “En Europe il est interdit de dire Noël”, “Noël censuré”, “Voilà comment l’Europe annule Noël”, etc. Je ne nie pas que le document (ensuite retiré) peut être discutable: peut-être il n’est pas juste d’exiger qu’une majorité écrasante modifie son comportement traditionnel pour une minorité, sûrement dans un contexte où la probabilité que ses interlocuteurs soient catholiques ou protestants est très élevée, il est tout à fait logique de souhaiter à tous un joyeux Noël. Mais c’est une chose de souhaiter joyeux Noël parce que on suppose que l’interlocuteur est catholique ou protestant, une autre de revendiquer la droite de souhaiter joyeux Noël à tout prix même à ceux qui ne le sont pas. Dans les commentaires du document de la Commission Européenne que j’ai lu, j’ai remarqué une confusion intentionnelle et déconcertante entre ces deux niveaux, comme si l’idée même qu’en Europe il puisse y avoir quelqu’un qui ne fête pas Noël était outrageant. Personnellement je n’ai pas la nécessité de souhaiter à tout prix Shabbat Shalom ou Chag Sameach à quelqu’un qui n’est pas juive, même dans des contextes ou la majorité écrasante est juive. Par contre, j’ai remarqué qu’il y a ceux qui me souhaitent joyeux Noël même s’ils savent très bien que je suis juive, et dans certains cas c’est évident qu’ils ne le font pas par habitude ou distraction (totalement compréhensible et très justifiable) mais comme revendication de leur propre identité. Quel est l’intérêt d’imposer des vœux qui ne sont pas les siennes? On souhaite joyeux Noël pour faire plaisir à ceux qui les reçoivent ou pour les mettre mal à l’aise ?

Traduit par Alice Pugliese, étudiante de l’Ecole Supérieure pour les Interprètes et les Traducteurs de Trieste et stagiaire dans le bureau du journal de l’Union des Communautés Juives Italiennes.