Loi juive et l’agression contre l’Ukraine
Le devoir de choisir

Par Rav Michael Ascoli
Il n’est pas facile de faire référence à des sources juives pour essayer d’établir quelle position on devrait adopter quant à l’invasion russe de l’Ukraine, si et avec quelle franchise se dresser contre la Russie en tant que juifs et en ce qui concerne Israël en tant qu’état. Le peuple juif a vécu dans des conditions d’oppression ou, du moins, de soumission pendant des siècles et, en général, il a dû penser à survivre sans pouvoir s’occuper d’autre chose. Le fait d’avoir son mot à dire dans la rampe internationale est une nouveauté qui nous confronte à de nouveaux défis. Toutefois, c’est notre mémoire historique récente qui devrait nous pousser à prendre une position explicite et à supporter ouvertement l’Ukraine, et notamment le rappel des survivants de la Shoah contre l’indifférence. Il y a deux considérations contraires qu’on entend souvent faire à cet égard: la première d’opportunité, selon laquelle il est mieux de ne pas s’exposer au vu de nombreux juifs qui vivent en Russie. La deuxième de mérite, vu que les Ukrainiens ont un lourd passé – et peut-être pas seulement un passé – antisémite. Donc, soyez prudents. Mais il n’y a qu’un pas entre la prudence et l’indifférence. Et surtout, nous ne sommes pas appelés à défendre seulement des “saints” tandis que des victimes en général. Rav J. Sacks résume ainsi la question : “Si quelqu’un est en danger, agissez! Ne vous arrêtez pas pour vous demander s’il s’agit d’un ennemi ou d’un ami. Faites comme Moïse quand il vit les pasteurs maltraiter les filles de Jéthro; ou comme Abraham quand il pria pour les gens des villes de la vallée”. Précisément à propos de Jéthro (Yitrò), dans le Talmud on trouve un midrash extrêmement significatif: “Seulement trois personnes étaient présentes à la consultation dans laquelle le pharaon décida de persécuter le peuple juif: Bilàm, Iyov e Yitrò. Bilàm, qui conseilla d’affliger le peuple juif, fut tué; Iyòv, qui resta en silence, fut condamné à souffrir terriblement; Yitrò s’enfuit et pour cette raison certains de ses descendants méritèrent de s’asseoir sur la Lishkàt haGzìt (à savoir ils firent partie du Grand Sanhédrin)” (TB Sotà 11a). Nous ne voulons pas ressembler à Bilàm, à Iyov non plus. L’exemple c’est Yitrò, l’homme qui a eu le courage de s’opposer au tyran et qui pour cette raison a été contraint de fuir la ville. C’est un exemple qui peut coûter, et pas qu’un peu, mais c’est le seul vertueux.
Un autre sujet qui doit être démonté est celui du judaïsme comme “religion de la paix”. Notre tradition est orgueilleusement riche en enseignements qui soulignent l’importance de la paix. Mais pas parce qu’il y ait un rejet absolu et préjudiciel de la guerre. Au contraire, quand la guerre est nécessaire, on combat. C’est ce qu’a fait Abraham, puis Jacob, David aussi – exemple d’un homme qui savait être un grand guerrier et un roi très sensible – puis les juifs à l’époque d’Esther, et ensuite les Maccabées jusqu’à des jours plus récents. Il est vrai, très vrai, que nous ne célébrons que le salut, jamais la victoire. Mais c’est une autre historie. Et il ne s’agit pas “seulement” d’Aggada. Les “normes des rois et des guerres” sont halakha pratique, codifiée depuis Rambam.

(Dans l’image, le dessin du dessinateur français Joann Sfar, qui dans ces semaines a raconté l’agression russe de l’Ukraine par ses travaux).

Traduit par Erika Centazzo, révisé par Alida Caccia, étudiantes à l’École Supérieure de Langues Modernes pour les Interprètes et les Traducteurs de l’Université de Trieste, stagiaires dans le bureau du journal de l’Union des communautés juives italiennes – Pagine Ebraiche.