L’hommage des Galeries des Offices au grand artiste allemand Rudolf Levy
Il croyait qu’il allait rencontrer deux collectionneurs d’art intéressés à ses œuvres. C’était, tout au contraire, deux agents de la Gestapo déguisés qui ne perdirent pas l’occasion de mettre fin à sa clandestinité. Ainsi commença, dans le froid de décembre, le voyage sans retour vers Auschwitz du peintre allemand Rudolf Levy (1875 – 1944). Un nom oublié pendant longtemps, récemment redécouvert grâce à la déposition d’une pierre d’achoppement portant son nom intégré dans le pavement de Piazza Santo Spirito, au numéro 9, devant Palazzo Guadagni où il vécut et où le piège de la mort lui fut tendu. Pour se souvenir de lui, en continuité avec ce jour-là, l’exposition “Rudolf Levy (1875-1944). Son travail et son exil” a été installée à Palazzo Pitti grâce à l’initiative des Galeries des Offices en collaboration avec le Musée du Centre Documentation de la Déportation et Résistance de Prato. Camilla Brunelli, Vanessa Gavioli et Susanne Thesing ont recouvert le rôle du curateur. Parmi les œuvres exposées se trouve “Fiamma”, le premier tableau de Levy à entrer dans la collection du musée, à la demande du directeur Eike Schmidt.
Levy naquit à Stettin en 1875 et étudia dans des écoles d’art à Karlsruhe et à Munich. Une décision essentielle pour son parcours fut celle de se déplacer à Paris, où il vécut pendant dix années et fit partie du groupe d’artistes du Café du Dôme et de l’entourage d’Henri Matisse (son premier point de référence). L’étape suivante fut Berlin, où il devint membre de la Sécession et eut succès dans des expositions individuelles et collectives. Du moins jusqu’en 1933, avec le régime nazi qui monta au pouvoir. A ce moment-là, à cause de ses origines juives, il fut obligé de quitter l’Allemagne pour migrer ailleurs.
Plusieurs furent les étapes de son errance en quête d’une majeure sérénité: Nice, Rapallo, Majorque, New York, l’île Sipanska Luka, en face de la côte dalmate. Et, à partir de 1938, éventuellement, l’île d’Ischia en Italie. Touché par le Décret-Loi Royal du 7 septembre 1938, menaçant les Juifs étrangers de déportation s’ils ne quittent pas le pays dans les six mois, il essaya d’obtenir un visa pour l’Amérique du Sud, mais en vain. Il fut contraint de partir à Florence, où il prit racine à l’hôtel Bandini avec d’autres artistes et intellectuels mal vus du régime. Entre autres, les peintres Eduard Bargheer, Kurt Craemer, Karli Sohn-Rethel et Heinrich Steiner et l’écrivain Herbert Schlüter.
En dépit des difficultés, cette période fut fructueuse et créative. C’est pendant ces années qu’il peigna plus de soixante sur les environ trois cent peintures à l’huile qu’on peut lui attribuer avec certitude. A partir du 8 septembre, l’occupation nazi perturba encore plus son existence déjà précaire. Levy se cacha à l’intérieur d’une tour à Borgo San Jacopo, dans le centre de Florence, près de Borgo Santo Spirito. Il continua à se rendre, occasionnellement, dans sa vieille chambre, pour peindre et, peut-être, pour se sentir encore un “homme” et non pas seulement un individu traqué. Un choix qui se révélera être tragique.
C’est là que les faux collectionneurs sur ses traces, l’arrêtèrent et le firent emprisonner dans la prison de Murate. Son destin, une fois franchi ce seuil, était désormais marqué. Le dernier signe qu’il était en vie nous parvient dans une lettre à Elena Bandini : “Vous avez déjà entendu le malheur qui m’est arrivé. Je suis emprisonné à Murate depuis plus d’une semaine. Seulement Dieu sait quand je pourrai sortir. Il est difficile pour un homme de 68 ans qui n’a jamais fait de mal à personne de se trouver dans cette situation. Mais peu importe…” Il fut ensuite déplacé dans la prison de San Vittore de Milan. De là, il fut déporté dans un camp de concentration dans l’un des trains de la mort qui partirent du quai 21 de la gare ferroviaire de Milano Centrale, où se trouve aujourd’hui le mémorial de l’Holocauste de la ville. Le premier à s’intéresser à sa vie a été l’historien berlinois Klaus Voigt, l’un des majeurs experts de l’Holocauste et de l’émigration juive-allemande, récemment décédé. L’exposition est née à son nom.
“Il était une personne très agréable et un grand érudit de l’histoire du vingtième siècle”, voici les condoléances exprimées par Schmidt. “Il a donné un élan fondamental et a guidé un groupe de spécialistes internationaux dans la création et la conception de la grande exhibition monographique dédiée à Rudolf Levy qui est en cours de préparation aux Offices. Le fait qu’il ne pourra pas être avec nous à admirer l’exposition lors de son inauguration nous touche profondément. Justement pour cela, a-t-il déclaré, l’exposition sera dédiée à sa mémoire”.
Sur la photo, Fiamma (1941) le premier tableau de Levy à entrer dans la collection du musée à la demande du directeur Eike Schmidt.
Traduction de Margherita Francese, révisée par Alida Caccia, étudiantes à l’École Supérieure de Langues Modernes pour les Interprètes et les Traducteurs de l’Université de Trieste, stagiaires dans le bureau du journal de l’Union des communautés juives italiennes – Pagine Ebraiche.