Article 3, l’engagement d’intégrer
La Constitution italienne, rédigée à la suite de la dictature fasciste et de la persécution antijuive, est le fondement de la démocratie italienne. L’article 3 est sa pierre angulaire en stipulant l’égalité et le respect de la dignité de tous les citoyens. Mais soixante-cinq ans après l’entrée en vigueur de la Charte, il faut se demander où en est aujourd’hui le pays dans l’application et le respect de cet article.
C’est à partir de cette question qui a débuté à Turin le parcours “ Articolo 3, diversi tra uguali” (Article 3, différences entre égaux), promu par l’Union des communautés juives italiennes en collaboration avec MEIS, le Musée National de l’Hébraïsme Italien et de la Shoah. Il s’agit d’un projet à six étapes, ouvert par le débat au Polo del ‘900, un centre culturel italien dédié au XXe siècle. Cette comparaison entre Daniela Dawan, juge de la Cour de cassation et écrivaine, et Gherardo Colombo, magistrat et président de Garzanti, a été modérée par Massimo Giannini, directeur du quotidien La Stampa.
“ Nous commençons ici à Turin un où les Juifs, sur la base de leur expérience de défense des droits, aussi bien que de leurs blessures, proposent un dialogue sur l’égalité, avec la conscience que nous sommes dans une situation d’incertitude concernant notre démocratie et coexistence civile “, a souligné dans son discours d’ouverture Saul Meghnagi, conseiller et coordinateur de la commission Culture UCEI (Union des communautés juives italiennes), après le mot d’accueil du président du Polo del ‘900 Alberto Sinigaglia.
Dario Disegni, président du MEIS et de la communauté juive de Turin, a constaté que le cycle de rencontres dédié à l’article 3 “ veut représenter un puissant rappel et une sensibilisation qui est indispensable dans une phase historique où ces valeurs ne peuvent malheureusement pas être considérés comme acquis définitivement par les consciences et par tout comportement de la population, mais ils doivent être défendus et réaffirmés sans cesse, jour après jour “. Le parcours dans les six villes italiennes – après Turin, Rome le 2 mai, puis Venise, Naples, Milan, Ferrare et Florence – sera également une occasion pour mettre “ l’accent sur le droit à la diversité, conçu comme réaffirmation des spécificités religieuses et culturelles de chaque membre de notre société, qui doivent toutes être sauvegardées et qui, dans le dialogue, peuvent contribuer à l’enrichissement culturel de la Nation “. C’est l’équilibre entre égalité et diversité qui est vraiment le barycentre de l’article 3, a expliqué Gherardo Colombo. “ Un article 3 qui est la Constitution. Il nous dit que nous sommes tous aussi importants les uns que les autres et que n’importe laquelle de nos caractéristiques ne peut pas créer de discriminations. Le reste, c’est l’application de cet article “.
L’ancien magistrat observe que cette égalité, protégée par la Carte, ne concerne pas les personnes “qui ne sont pas égales. C’est évident, nous sommes tous différents. Mais l’égalité concerne les possibilités. Ceux-ci doivent être égaux devant la loi “. Telle est la réflexion de Gherardo Colombo. Il s’agit d’un changement de perspective. “ Nos diversités, qui jusqu’alors étaient décevantes, sont plutôt protégées. Le moyen d’être ensemble s’est inversé “.
Une révolution, étant donné que “ la discrimination a été considérée comme une valeur pendant des millénaires “. Une discrimination que les Juifs ont vécu sur leur peau, gravement blessée, a souligné Daniela Dawan, rappelant son histoire personnelle. Elle s’enfuit de la Libye en 1967 à cause des violences antijuives : là-bas, et plus tard en Italie, on a attribué une signification négative à sa diversité. Mais elle a ajouté que la culture juive peut encourager un changement de perspective.
“ Pour nous, personne n’est étranger. “ a souligné, en évoquant le passage de l’Exode : “ N’opprimez pas l’étranger, puisque vous connaissez l’âme de l’étranger, ayant été vous-mêmes étrangers dans le pays d’Égypte “. Un passage qui “ rappelle que l’autre fait partie de nous “. D’où le renforcement de l’importance de protéger l’égalité et la diversité, comme le prévoit l’article 3 de la Constitution.
“ Mais sont les principes de la Carte appliqués ? “, demande Giannini aux intervenants. “ en ce moment, nous assistons à une campagne d’acharnement, dans laquelle on ne supprime des barrières au droit à l’égalité, mais on en érige. “
Pour Dawan, le problème dépasse le thème de gouvernement et opposition, mais c’est la classe politique qui a échoué dans l’application des principes constitutionnels. Une crise institutionnelle qui n’est pas seulement italienne. “ Des États-Unis à l’Europe, nous assistons aujourd’hui à la détérioration de la classe politique. Nous sommes trop exigeants avec des gens qui n’en sont pas capables, qu’il s’agisse de majorité ou d’opposition. “
Alors que, pour ce qui concerne la majorité actuelle, la juge de la Cassation est également préoccupée de l’approche aux responsabilités du fascisme sur l’histoire de l’Italie. “ Un processus de minimisation de ce qui est arrivé est en cours “, son alarme vient de son inquiétude pour un langage toujours plus haineux. “ Au nom de la liberté d’opinion, on dit des choses qu’on ne devrait pas dire. La liberté n’est pas et ne peut pas être celle d’offenser “. Une dérive de communication qui crée un environnement propice à la discrimination et à l’intolérance, que le pays a connu à son apogée pendant les années du régime fasciste. “ Je me demande comment il a été possible d’expulser les Juifs d’une société dans laquelle ils étaient parfaitement intégrés. Il y avait évidemment quelque chose qui couvait sous la cendre et qui a été libéré “. Une recherche du bouc émissaire qui n’a pas disparu de la société italienne, a confirmé Giannini. “ Le besoin d’avoir un ennemi existe encore aujourd’hui : il semble très répandu. Comme si on n’était pas capable de s’identifier sans avoir un adversaire – a poursuivi Colombo – Mais comment s’en préserver ? En reconnaissant l’autre. Une réponse que je pense que ceux qui ont écrit la Constitution aient donné comme ça : nous ne pouvons pas nous sauver si même seulement un parmi nous est exclu, comme le dit l’article 3 “.
Traduction de Sofia Busatto, révisée par Marta Gustinucci, étudiantes à l’École Supérieure de Langues Modernes pour les Interprètes et les Traducteurs de l’Université de Trieste, stagiaires dans le bureau du journal de l’Union des communautés juives italiennes – Pagine Ebraiche.